Musée de la Résistance de l'Aube (Mussy-sur-Seine)

Peu de temps après l’ouverture du Musée de la Résistance de l’Aube (nouvelle formule), je suis allé à la rencontre des acteurs de cet incroyable renouveau : le maire de Mussy-sur-Seine, M. Henri Petit de Bantel, la directrice scientifique du lieu, Enora Gault, et la responsable des publics, Lucille Despothuis.

Avant de donner la parole à ces acteurs, je vous invite à parcourir ce nouvel espace de 400m2 (contre 70m2 avant travaux !).

Bien qu’installé sur la commune de Mussy-sur-Seine (haut lieu de la Résistance auboise lors de la Seconde Guerre mondiale), ce musée se veut être une vitrine de la Résistance auboise.

On entre dans le bâtiment alliant acier Corten et pierre, par une grande porte donnant sur un hall d’accueil lumineux. Pour le début de la visite, vous êtes invité à monter à l’étage.

Un espace muséographique résolument moderne

Dans l’escalier qui mène aux salles d’exposition se trouve une œuvre d'art contemporain sonore intitulée "Messages personnels", créée par les artistes Aram Abbas et Cécil Serres, commandée par la commune dans le cadre du 1% artistique. Les artistes ont travaillé à partir des sonorités de l'Occupation (sons radiophoniques , chants et musiques des années 40) pour recréer des messages évoquant ceux entendus à la BBC par les résistants. Des mots incompréhensibles voire drôles pour ceux qui n'en ont pas les clés de compréhension...

Dans la première pièce du musée, l’histoire locale de la période est racontée au regard de l’histoire nationale au moyen d’une frise chronologique. En parallèle, vous pourrez découvrir une exposition temporaire qui développe les origines et l’évolution de ce musée qui existe depuis 1971. * Une vitrine spécifique dresse le portrait d’un résistant aubois, actuellement il s’agit de Pierre Pierron résistant au sein du Bureau des Opérations Aériennes (B.O.A.) dans le barséquanais. Régulièrement, d’autres figures seront mises en lumière.

Dans la deuxième salle, on plonge dans les maquis de l’Aube avec notamment une atmosphère de forêt musséenne. Avec une alternance de textes, d’objets authentiques issus de la collection du musée, mais aussi de témoignages sonores, vous découvrirez comment les résistants vivaient et s’organisaient au quotidien dans la clandestinité. Des écrans tactiles interactifs permettent d’approfondir nos connaissances.

Dans la troisième pièce, vous comprendrez combien la Résistance était un acte fort qui a eu des conséquences pour nombre de résistants : déportations, emprisonnements, exécutions. Encore une fois, textes, objets, écrans, casques d’écoute offrent une immersion poignante dans cette période. On ne peut pas rester indifférent face à cette tenue de déporté, ou ces troncs d’arbres utilisées comme poteaux d’exécution sur le champ de tir de Creney-près-Troyes, proche de Troyes. Enfin, on y découvre comment les communes, avec l’aide des associations, ont commémoré cette période avec des monuments aux morts.

Au rez-de-chaussée, une grande salle permet l’accueil des scolaires et des groupes qui souhaitent aller plus loin dans la découverte et la compréhension de la Résistance.

D’un lieu mémoriel petit, sombre, mettant en péril la collection léguée par les maquisards, le musée de la Résistance de l’Aube est devenu un lieu moderne et multimédia offrant un outil de médiation élargi au plus grand nombre. Il ne fait que renforcer le travail des associations mémorielles et de ses bénévoles qui proposent notamment des randonnées "Chemins de mémoire", ainsi que des évènements, publications, moments de médiation auprès des classes... L’action des uns et des autres est complémentaire pour sensibiliser le plus grand nombre. À Mussy-sur-Seine, on peut citer le travail de Guy Prunier, 89 ans dans ce sens !

Une volonté municipale

Depuis 1974, le musée de Mussy appartient à la municipalité, tout en étant animé par des bénévoles. En 2010, un projet de rénovation est initié. Ce dernier s'avère plus long que prévu. Un mal pour un bien. Les équipes municipales successives ont tenu bon, sachant s'entourer de personnes compétentes pour mener à bien le projet. Henri Petit de Bantel, actuel maire de Mussy-sur Seine-âgé de 85 ans explique son engagement :

« Malgré un AVC voilà trois ans, j’ai gardé ma détermination, et toute ma tête, pour aller au bout de ce projet. Même si je n’ai pas participé à la Résistance, je suis marqué depuis petit par cette période. L’année de mes 10 ans, j’ai assisté à l’inauguration du monument aux morts du Maquis. Devant mes yeux j’ai vu les gendarmes rendre les honneurs, l’un d’eux s’est écroulé, et est mort d’une crise cardiaque, cela m’a marqué ! Ce sont de bonnes raisons qui m’ont poussé à mener ce projet. »

Enora Gault, 37 ans, directrice scientifique du projet

Archéologue de formation, elle travaille tout d’abord en Amérique du Sud et notamment en Colombie sur l’iconographie des sacrifices humains préhispaniques. Après avoir fini sa thèse, elle réalise des stages au Musée Rodin et au musée des Amériques à Auch, et travaille ensuite au musée de l’Armée à Paris (Invalides). Puis elle apprend que la commune de Mussy-sur-Seine recherche sa directrice scientifique pour son musée. Elle prend son poste en 2018.

« Ma première visite du musée est déterminante, je découvre une collection d’objets dégradés tous exposés dans des conditions compliquées. Ma rencontre avec le bénévole Guy Prunier est aussi marquante. C’est un passeur de savoirs qui en parle avec sensibilité. À mon arrivée, j’ai poursuivi l’état des lieux de la collection du musée qui était attaquée par la corrosion, les insectes et la moisissure (environ 500 objets). À partir de là, il a donc fallu préserver, commencer à restaurer ces objets. Après il a fallu articuler et écrire un scénario pour éclairer le visiteur sur la période. Nous nous sommes appuyés sur 11 % des objets du fonds. En parallèle de ce travail, nous avons voulu lancer un appel à dons et témoignages auprès des familles ayant un lien avec la Seconde Guerre mondiale.

Je suis contente que le musée ouvre. Malgré la fatigue qu’apporte un tel projet au long cours. Les premiers retours du public nous confortent dans nos choix. On sent des tensions émotionnelles, notamment des familles de résistants qui se manifestent suite à la visite. C’est une expérience pleine d’émotion, surtout quand une fille de résistant reconnaît son père sur une photo exposée. C’est un musée vivant, où l’on peut avoir des moments de rencontre unique avec des témoins des familles, chaque objet à une histoire, cela rend l’Histoire palpable. C’est ce qui m’anime, j’espère que le public en sera tout autant ».

Lucille Despothuis, 24 ans, responsable des publics

C’est au cours de ces études en master « Patrimoine et musées » au centre universitaire de Troyes, dépendant de l’Université de Reims Champagne-Ardenne que Lucille développe une visite hors les murs pour le compte du Musée de la Résistance dans le cadre de son projet professionnel. La thématique est « l’Occupation et la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale à Troyes ».

Depuis la fin de ces études, Lucille est embauchée au musée pour développer la programmation dédiée à tous les publics : des scolaires au public adulte.

« Dès son ouverture début août, j’ai mis en place les visites guidées du musée, la visite hors-les-murs à Troyes, mais aussi des ateliers auprès du jeune public pour fabriquer des tracts résistants » explique-t-elle.

Elle ajoute :

« Dès cette rentrée, nous allons commencer nos actions auprès du public scolaire (la Seconde Guerre mondiale est étudiée en CM2, 3^e et Terminale) en lien avec un professeur relais qui sera nommé courant septembre. Il est important de pouvoir préparer les visites en amont avec le corps enseignant. Nous avons une brochure et un livret pédagogique qui préparent le terrain pour les ateliers sur place. Le public adulte pourra visiter le musée jusqu’aux vacances de la Toussaint. Notre souhait est également d’aller vers le public empêché comme les personnes sourdes/malentendantes, les personnes âgées en EHPAD, … » conclut-elle.

* Juin 1944, la Résistance (face à l’occupation allemande) est bien présente dans le massif forestier de Mussy-sur-Seine (Aube) / Grancey-sur-Ource (Côte-d’Or) sous la forme d’un maquis des forces françaises de l’intérieur (FFI). 1200 hommes âgés de 19 à 23 ans occupent cette zone. Tout en concourant à la libération du territoire, ils vont payer un lourd tribut. Pour le 20^e anniversaire de la Libération, une exposition itinérante est proposée par les Archives départementales de l’Aube. Peu de temps après, les maquisards de Mussy-Grancey ouvrent un musée sur la commune pour perpétuer la mémoire de leurs camarades morts.

Brice Vanel, septembre 2022