Petite prunelle de Troyes

Rue de la montée Saint Pierre, non loin de la Cathédrale, un lieu m’a toujours intrigué lorsque les fenêtres étaient ouvertes. Avec son air de laboratoire d’alchimiste, la pièce où s’élabore la prunelle de Troyes est un lieu hors du temps. J’ai donc décidé de pousser la porte du Cellier Saint Pierre pour rencontrer celui qui y fabrique ce doux breuvage : Alexandre Krumenacher.

La mère d’Alexandre qui aimait l’astrologie lui a toujours dit qu’il travaillerait dans les liquides. Lui se voyait travailler soit en océanographie, soit en œnologie. C’est la 2^e voie qui s’est confirmée après sa licence de biochimie. Il obtient ensuite un diplôme d’œnologie à Dijon. Dès 2000, et pendant 3 ans, il travaille aux Riceys, dans les vignes et en cave. Après quoi, il revient chez les Ets Formont, qu’il connait bien pour y avoir fait les saisons entre les âges de 15 et 20 ans. Cette fois, il occupe un poste de commercial ; mais très vite il se met à la distillation de la Prunelle avec M. Formont. A partir de là, la fabrication passe progressivement de 1600 à 15000 bouteilles. Le digestif troyen gagne en notoriété

« La Prunelle est né en 1840, sa recette a traversé les décennies, elle a gagné une médaille à l’exposition universelle de Paris en 1900. Sur Troyes, il y a eu jusqu’à 20 distilleries qui avaient chacune leurs recettes de liqueurs variées avec leurs secrets de fabrication. M. Formont, qui a hérité d’une recette, n’avait pas trop le temps de développer sa fabrication. Les produits gastronomiques n’étaient pas trop à la mode ! », raconte Alexandre Krumenacher.

« A mon arrivée, j’ai voulu remettre la Prunelle au goût du jour tout en travaillant dans les règles de l’art. Je suis allé fouiller dans les archives et j’ai trouvé des recettes de 1870. L’idée était de revenir à la méthode originelle, avec une durée de macération des noyaux, des températures de chauffe et un ordre d’assemblage bien précis. Bien entendu la recette reste secrète. La fabrication en tant que telle dure un mois, puis le vieillissement dure plusieurs mois. », complète-t-il.

Le développement de la Prunelle de Troyes est aussi passé par une communication plus importante autour du produit. Le breuvage a profité de l’engouement du consommateur pour les produits locaux. Aujourd’hui la production est consommée en grande partie localement. Tous les points de vente sont dans le département. Une seule cave à Paris vend de la Prunelle.

« En 2013, pour promouvoir notre patrimoine gastronomique local et notamment la Prunelle, j’ai souhaité créer une confrérie qui accueille 3/4 personnes par an. L’intronisation a lieu le premier samedi de juin, jour des foires de la Saint Jean. » conclut-il.

Si la Prunelle de Troyes reste un digestif, elle a été utilisée dans des gâteaux. Ainsi Alexandre Krumenacher a retrouvé une recette d’Albert Coquin dans le « Manuel des Gourmets » de 1904. Ce gâteau en forme de livre était fabriqué avec de la génoise.

Aujourd’hui la Prunelle de Troyes est également utilisée par les restaurateurs, on peut citer le baba à la Prunelle du restaurant le Belvédère à Mesnil Saint Père. On l’utilise également dans des cocktails.

« Cette année, je souhaite sortir un produit un peu particulier : un savon fabriqué à partir de l’huile des noyaux de prunelle. Je travaille dessus depuis quelque temps ; et puis j’aime bien cette démarche zéro déchet. », ajoute Alexandre.

La visite du lieu de fabrication est possible tous les vendredis après-midi en tout petit groupe.