Un peu plus de 4 ans en arrière, j’avais tiré le portrait de Jill Teboul, in situ, dans son restaurant Les Oiseaux de passage, à l’époque situé cour du Mortier d’Or, en plein centre-ville de Troyes. Depuis le resto a déménagé dans une maison mail des Charmilles et Jill s’est lancée dans une autre aventure socio-culinaire avec Kantinetik. L’envie m’est venue de lui tirer à nouveau le portrait et d’échanger avec elle sur son parcours, ses envies, ses activités.
En septembre 2013, avec la création des Oiseaux de passage, Jill voulait faire bouger la ville, proposer quelque chose qui n’existait pas, notamment avec une cantine à prix libre le jeudi soir mais aussi des ateliers pour créer du lien social (soutien scolaire, tricot).
« Bien que nous fassions des choses gentillettes, nous avons été freinés par la copropriété et notre interdiction de terrasse. En tant que professionnel cela devenait compliqué d’évoluer dans ce contexte et dans si peu d’espace (50 m2) » explique Jill.
Puis les Oiseaux de passage ont rebondi avec un projet collectif « un rêve » qui s’est concrétisé par l’achat d’une maison mail des Charmilles. Très vite, le resto prend de l’ampleur, 4 personnes sont embauchées. L’esprit associatif se mêle à l’esprit entrepreneuriale. Jill se confronte à ce dur équilibre entre rentabilité et idéaux autour des circuits courts, du lien social, de la culture, de la mixité.
« La restauration c’est beaucoup d’énergie, d’investissement sur les questions du salariat, des normes, des choses omniprésentes quand on gère une entreprise. On essaie de tendre vers un maximum de produits locaux, mais on est sur un territoire compliqué en approvisionnement », raconte-t ’elle.
Avec cette évolution, certes qualitative, Jill a du mal à se retrouver dans ses valeurs citées plus haut. Elle veut se rapprocher du social. Sa rencontre avec les responsables du Rucher créatif va lui permettre de bifurquer. En cours d’installation, ce lieu de coworking qui bouillonne d’idées, cherchait à créer un espace de restauration. Jill saisit l’opportunité et arrive à monter une cantine sous forme d’entreprise d’insertion, grâce à l’association Aurore Foyer Aubois. Kantinetik voit le jour en juillet 2018. L’objectif est de coupler la notion d’insertion professionnelle et l’envie de proposer une restauration saine. Bien que Jill ne soit pas végétarienne, elle développe cet aspect-là dans les plats proposés chaque midi du mardi au vendredi, au sein de Kantinetik. Elle est donc accompagnée dans sa tâche par deux à trois salariés en contrats aidés dont l’objectif est de retrouver un emploi durable.
Avec la synergie qui existe au sein du Rucher créatif, l’objectif pour Jill est de créer une ressourcerie, avec des prêts de machines, des fiches « do it yourself ».
L’envie du zéro déchet est aussi présente avec le souhait d’utiliser des bocaux consignés. Jill veut aussi valoriser les bio-déchets :
« Aujourd’hui les restes alimentaires partent au compost ou aux poules suite à un appel aux clients. J’en avais marre que ses déchets se perdent », conclut Jill. C'est chose faite régulièrement avec "Coq&tri".
Elle ajoute :« Sur le plan culinaire, mon rêve est de proposer des ateliers variés sur la cuisine saine et végétarienne ».
Enfin, une cartographie de producteurs locaux est en cours !
Comme vous pouvez le voir, Jill est constamment en mouvement et fourmille de projets.
« Pour faire bouger les lignes du monde dans lequel on est, je crois au ver dans la pomme, mais aussi bien sûr à l’action et au collectif. Ce n’est pas en marge que l’on y arrivera » affirme-t-elle.
Bien que Kantinetik lui prenne pas mal de temps, elle reste gestionnaire des Oiseaux de passage et assure quelques services.
« Actuellement, ce sont les cuisiniers qui entretiennent l’esprit du lieu. Ils sont force de proposition. Pour les oiseaux mon souhait est de proposer une 3e édition du Festnid’val, pour l’anniversaire des Oiseaux », conclut-elle.